mardi 5 février 2008

DNCA finance : Perspectives 2008, la fin du Paradis

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Marc Faber, le " funeste " de l'économie mondiale

Marc Faber, le " funeste " de l'économie mondiale

Chronique d'André Gosselin parue dans Finance et Investissement

Faits saillants:

En 1987, deux mois seulement avant le krach, Marc Faber avait recommandé à ses clients de se débarrasser de toutes leurs actions. En 2000, il multiplie les mises en garde face à la bulle Internet
Il manifeste un talent certain pour anticiper aussi bien les grands cycles économiques à la hausse que ceux à la baisse
L'événement sans doute le plus exceptionnel sur le plan mondial et historique est le transfert de richesse entre les pays riches et les pays pauvres
Un boom des matières premières s'accompagne toujours de crises internationale
Il est peu probable que la croissance chinoise s'écroule, et l'Inde a les moyens de poursuivre sur sa lancée
Marc Faber n'hésite pas à surpondérer les marchés émergents dans son portefeuille d'actions

À Wall Street comme dans la City de Londres, on l'appelle " Dr Doom ", ce qu'on peut traduire par " le funeste " ou encore : " celui qui annonce les catastrophes ".

Notre chroniqueur fait le portrait de cet étrange oiseau de malheur.

En 1987, deux mois seulement avant le krach, Marc Faber avait recommandé à ses clients de se débarrasser de toutes leurs actions. En 2000, il multiplie les mises en garde face à la bulle Internet. Il avait annoncé une chute de 50 % de la Bourse japonaise en 1990. Pas de chance, l'indice Nikkei ne perdit que 46 % de sa valeur cette année-là.
Les clients de sa lettre confidentielle (The Gloom, Boom and Doom Report) se souviennent des signaux d'alarme que Faber lançait, dès 1993, au sujet d'une crise financière imminente en Asie. En 1997, la débâcle des marchés surprenait tout le monde, mais pas Faber. Pour les tigres asiatiques, c'était alors dix années de croissance boursière qui disparaissaient en fumée.
Cette région, selon lui, subissait de profonds déséquilibres économiques engendrés par une libéralisation trop hâtive, et par l'appât du gain facile et rapide chez les investisseurs étrangers. Les pays asiatiques n'étaient tout simplement pas prêts à recevoir cette manne de capitaux étrangers qui a nourri des bulles spéculatives gigantesques.

Installé en Asie depuis un quart de siècle, (à Hong Kong d'abord et en Thaïlande depuis quelques années), Marc Faber est l'une des voix les plus écoutées quand vient le temps de faire un diagnostic de l'économie mondiale, de l'Asie en particulier. L'hebdomadaire financier Barron's l'invite chaque année, avec une dizaine de gourous de Wall Street, à sa prestigieuse table ronde de janvier, afin d'écouter ce que cet investisseur suisse, grand voyageur et passionné d'histoire économique, a à dire sur les occasions d'investissement dans le monde.

Marc Faber publiait en 2002 un livre sur l'émergence de l'Asie (Tomorrow's Gold : Asia's Age of Discovery) dans lequel il expose la transformation du monde qui accompagne l'ascension économique de ce vaste continent, un événement aussi capital, selon lui, que la révolution industrielle au 19e siècle ou les grandes découvertes scientifiques au 15e siècle.
Il y annonçait le grand cycle haussier des matières premières qui, effectivement, se poursuit encore aujourd'hui. Comme quoi ce " Suisse asiatique " n'est pas qu'un oiseau de malheur : il manifeste un talent certain pour anticiper aussi bien les grands cycles économiques à la hausse que ceux à la baisse.

Selon lui, la phase d'expansion économique mondiale que l'on connaît depuis 2002 se caractérise par plusieurs facteurs uniques dans l'histoire. C'est la première fois, par exemple, que la Chine, l'Inde et la Russie participent de concert à la croissance, autant à titre de producteurs de biens et de services que comme consommateurs de masse. Leur impact est certes déflationniste sur le plan de la production (avec des coûts de production très bas et une productivité élevée), mais il est inflationniste sur le plan de la consommation, surtout du côté des matières premières.
La phase actuelle d'expansion économique est également inédite dans l'histoire du capitalisme, puisque toutes les grandes catégories d'actif connaissent une hausse de leurs prix : les matières premières, mais aussi les actions, les obligations, l'immobilier et même l'art. Pendant les années 1970, ce n'était pas du tout le cas : le secteur des matières premières progressait, alors que le marché des actions stagnait ou déclinait. Pendant les années 1990, c'était le contraire : les prix des matières premières sont tombés en chute libre, tandis que les actions explosaient.

Mais l'événement sans doute le plus exceptionnel sur le plan mondial et historique est le transfert de richesse entre les pays riches et les pays pauvres. Pour la première fois de mémoire d'homme, ce sont les pays en émergence qui financent les pays développés. L'émergence économique des États-Unis s'est faite aux 18e et 19e siècles grâce aux capitaux britanniques et européens. Et au 20e siècle, ce sont les États-Unis et l'Europe qui finançaient la croissance des pays en développement du tiers-monde. Et que se passe-t-il aujourd'hui? Les États-Unis connaissent un déficit de leur compte courant et de leur balance commerciale avec le reste du monde, notamment les pays asiatiques. Et ces pays financent la consommation des Américains par l'achat massif de bons du Trésor américain.

Depuis quelques mois, Marc Faber craint comme la peste un bombardement américain en Iran et juge que les marchés n'escomptent pas suffisamment cette menace dans le prix des actifs financiers. Les grandes firmes de courtage et les banques, dit-il, emploient des centaines d'analystes financiers, mais aucun analyste politique pour les mettre au fait des tensions géopolitiques actuelles, qui sont loin d'être négligeables.

Un boom des matières premières s'accompagne toujours de crises internationales, car chaque puissance veut assurer ses approvisionnements. Et plus elles sont en quête de ressources naturelles et énergétiques, plus les tensions montent.

Depuis 1995, il ne cesse de répéter que la politique accommodante de la Fed n'aura d'autre effet que de créer un excès de monnaie, risquant de faire plonger les obligations et le dollar. C'est la raison pour laquelle l'or constitue un très bon placement, surtout quand il tombe à moins de 600 $ l'once.

Depuis Alan Greenspan, l'ancien président de la Réserve fédérale américaine (1987 à 2006), la politique monétaire américaine a consisté à ne rien faire lorsque des bulles spéculatives enflaient, puis à jouer aux pompiers lorsque leur dégonflement menaçait les marchés financiers. On a eu un bel exemple de cela dans la façon dont la Réserve a réagi à la crise des hypothèques à risque, en insufflant toujours plus de liquidités dans l'économie. À terme, cette politique est inflationniste. C'est mauvais pour les actions et catastrophique pour les obligations. " C'est pourquoi l'or et l'argent s'en sortiront beaucoup mieux ", pense Marc Faber.

Il est peu probable que la croissance chinoise s'écroule, et l'Inde a les moyens de poursuivre sur sa lancée. En revanche, après une phase qui a vu le cuivre passer de 0,6 à 4 $, et le pétrole de 11 à 78 $, des corrections vigoureuses, de l'ordre de 40 à 50 %, sont incontournables. Un cycle de hausse des prix des matières premières a une durée de 15 à 20 ans, dit Dr Doom. Chaque correction, aussi importante soit-elle, sera suivie d'une nouvelle phase du grand cycle de hausse qui, à long terme, est indéniable.

Marc Faber est d'accord pour dire que les ressources naturelles ont fait l'objet de beaucoup de spéculation et qu'à court terme, leur appréciation a été exagérée. Surtout depuis que les fonds de couverture se sont mis de la partie. Il estime qu'ils sont responsables de 30 % des prix de l'ensemble des actifs, y compris pour les actions et l'immobilier. Il y a excès de spéculation parce qu'il y a excès de liquidités dans le monde.

Sur les marchés émergents, et particulièrement en Asie, les actions ont historiquement été fortement corrélées aux matières premières. Un refroidissement aux États-Unis entraîne en général des rapatriements de capitaux. Et les pays émergents sont les premiers à en faire les frais. De plus, chaque ralentissement de l'économie américaine se répercute avec plus de force qu'ailleurs sur les Bourses asiatiques. Heureusement, cette relation entre Wall Street et les marchés financiers d'Asie tend à s'estomper au fil des ans.
La Chine, en particulier, dépend de moins en moins des États-Unis, car son marché intérieur se profile de plus en plus comme un débouché de substitution. Et il en va de même en Inde, en Russie, en Europe de l'Est et en Amérique latine.

Pour cette raison, Marc Faber n'hésite pas à surpondérer les marchés émergents dans son portefeuille d'actions. Aux États-Unis, près de 50 % des bénéfices des entreprises appartenant à l'indice S&P 500 sont d'origine purement financière. Une situation qui ne peut pas durer indéfiniment. L'Amérique a des jours sombres devant elle, annonce Dr Doom.
André Gosselin, vice-président recherche, Orientation Finance Inc