vendredi 22 février 2008

Les alchimistes...

La Tribune - 22/02/08

Connaissez-vous Nicolas Flamel ? Ce libraire de formation, né en 1330, est devenu célèbre en prétendant avoir découvert la pierre philosophale, le rêve de tous les alchimistes, celle qui permet de transformer les métaux non précieux en or. Cette chimère a hanté des générations d'alchimistes puis de scientifiques pour atteindre récemment... les financiers. Pour les financiers, la pierre philosophale, c'est la titrisation — un procédé inventé dans les années 70, qui permet de transformer les crédits que portaient les banques dans leurs bilans en obligations placées auprès d'investisseurs institutionnels. Ce procédé a relativement fonctionné pendant vingt ans. Avec les crédits immobiliers d'abord, puis dès 1985 avec les crédits automobiles ou encore les crédits à la consommation. Mais il y a cinq ans, tout dérape. Les banquiers se prennent pour Nicolas Flamel. Ils se sentent capables de transformer des crédits "pourris" en obligations de première catégorie. La pierre philosophale moderne sera un mélange d'ingénierie financière, avec un zeste de packaging marketing, une pincée d'une substance de "rehaussement de crédit", et un tampon des agences de notation. Et c'est le miracle. Les déchets se transforment en or ! L'or des commissions et des bonus. Tout aurait pu s'arrêter là. Nicolas Flamel est mort riche. On ne sait pas comment. Et l'histoire a retenu son nom. Comme alchimiste. Et pas comme imposteur. Seulement voilà... Faire croire à la pierre philosophale, c'est une chose. Finir par se convaincre soi-même qu'elle existe en est une autre. Et c'est ce pas qu'ont franchi nos alchimistes financiers. À force de vendre leurs déchets packagés (le terme politiquement correct est "produit structuré deuxième génération") à prix d'or, ils se sont convaincus que ces déchets s'étaient réellement transformés en or. Alors qu'ils vendaient les leurs à des investisseurs, ils achetaient simultanément ceux des autres ! L'histoire est vieille comme le monde, ancienne comme l'alchimie, classique comme une fable de La Fontaine... C'est celle de l'arroseur arrosé. Et finalement, la morale est sauve : "Tel est pris qui croyait prendre."Malheureusement, ce n'est pas si simple, car les excès de ces apprentis sorciers ont sapé les fondements mêmes de l'économie mondiale.

MARC FIORENTINO, PRÉSIDENT D'EUROLAND FINANCE

Aucun commentaire: