lundi 3 mars 2008

L'AIE, enfin objective !

LONDRES - Une demande d'hydrocarbures qui devrait rester très robuste à dix ans, couplée à un manque critique d'investissements dans les projets pétroliers est la raison profonde de la flambée du pétrole, estime Fatih Birol, directeur des études économiques de l'Agence internationale de l'énergie (AIE).

Q: Quelles sont les véritables raisons derrière la hausse spectaculaire des prix du pétrole depuis plusieurs mois?

R: Il y a deux raisons principales: la première est la force et la robustesse de la demande. En janvier, quand on craignait que les Etats-Unis n'entrent en récession, on se demandait si cette récession pourrait avoir un impact sur la demande de pétrole. Je ne pense pas que cette question soit vraiment pertinente, car la croissance de la demande provient de trois centres majeurs, l'Inde, la Chine et le Moyen-Orient, qui ne devraient pas être affectés tant que cela pas un ralentissement économique. En définitive, la demande devrait donc rester forte.

Du côté de l'offre - et c'est la seconde raison derrière la hausse des prix - la capacité de production n'augmente pas de manière suffisante.

Q: Pouvez-vous chiffrer le décalage entre les investissements nécessaires et ceux qui sont engagés?

R: Nous avons calculé que d'ici 2015, il fallait investir dans une capacité de production permettant de fournir 37,5 millions de barils par jour, tant pour répondre à la croissance de la demande que pour compenser le déclin des gisements existants.

Or, nous avons identifié 230 projets dont le financement a été voté, en regardant aussi bien dans les pays membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) que dans les pays hors Opep. Si tous ces projets voyaient le jour, ils permettraient de produire seulement 25 millions de barils par jour jusqu'en 2015. Il y a donc un fossé de 12,5 millions de barils par jour entre les investissements engagés et ceux que nous estimons nécessaires. Cet écart est très, très inquiétant.

Seuls deux types de politiques pourraient corriger cela: du côté des pays consommateurs, il faudrait mettre en place d'urgence des mesures draconiennes d'efficacité énergétiques et investir massivement dans les énergies alternatives.

Du côté des producteurs, il faudrait augmenter les investissements de manière immédiate et audacieuse pour augmenter la capacité de production, en plus de ces 230 projets, si l'on veut éviter un choc d'offre dans les années à venir.

Q: Qu'est ce qui explique ce manque critique d'investissements dans la production de pétrole?

R: Les compagnies pétrolières internationales voient leurs réserves décliner de manière importantes et elles n'ont pas accès aux zones majeures où se trouvent les réserves. Les compagnies pétrolières nationales sont quant à elles freinées par deux raisons principales: elles ne veulent pas voir les prix du pétrole baisser et elles tiennent à conserver du pétrole dans le sous-sol pour les générations futures. Ce point de vue est tout à fait légitime, ces pays souverains sont libres de décider à quel moment et dans quelles quantités ils vont mettre leur pétrole sur le marché. Mais ceci a des implications de plus en plus importantes pour les pays consommateurs. Le monde a changé.

Propos recueillis par Delphine DECHAUX

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